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La question de l’engagement est de plus en plus souvent au centre des stratégies éditoriales. En Suisse, un duo de journalistes de la télévision publique en a livré sa propre interprétation. Pendant un mois et demi, Jérôme Galichet et Cécile Durring se sont installés dans la commune de Moudon pour aller à la rencontre des habitants avec un objectif: les convaincre de participer aux élections locales. Spoiler alert: ça marche plutôt.

Jérôme Galichet et Cécile Durring ont passé six semaines à Moudon, en Suisse. Journalistes pour l’émission Mise au point de la RTS, ils avaient un objectif : faire remonter la participation aux élections fédérales dans cette ville du du canton de Vaud, un peu plus de 6 000 habitants. Elle était de 36.9 % en 2015. Cécile et Jérôme visaient 50%. Ambitieux ? Un peu, mais pas tant que ça. Au final, l’abstention aura bien reculé, avec près de 46% de votants alors que la participation à l’échelle de la Suisse était en baisse pour ces élections 2019.

Le dispositif d' »Objectif 50″ mis en place, localement, sur le web et à l’antenne, est inédit. La couverture broadcast de cette opération a  été conséquente : 4 épisodes de 15 minutes, des directs et des invités. Mais ce n’était que la partie émergée. Le travail des journalistes alimentait au jour le jour un groupe Facebook dédié, qui réunit plus de 700 personnes, et la page de l’émission.

Au cœur du dispositif digital au service de l’opération, le groupe Facebook a rempli son rôle. Dans un document interne à la RTS, son succès est précisément décrit :

« Ce groupe, échappant aux logiques de l’algorithme et de sponsoring publicitaire, a permis la création d’une véritable communauté. Il nous a aussi permis d’identifier les citoyens prêts à endosser un rôle de leadership dans l’opération. Aujourd’hui, nous allons “remettre les clés” de ce groupe à une équipe de citoyens qui souhaite poursuivre cette dynamique collective. Ce lieu sera donc amené à évoluer mais restera un lieu d’échange et de partage d’idées. »

Un lien fort avec la population locale

Pour autant, le groupe a eu ses limites, que les journalistes pointent lors de la conversation : il n’a pas permis de toucher les plus jeunes, qui ne sont pas actifs sur Facebook.

Mais le numérique n’était pas le seul moyen de toucher les électeurs. A Moudon, Cécile Durring et Jérôme Galichet disposaient d’un local commercial, ouvert sur la rue, où ils travaillaient. « C’est vite devenu un café social », expliquent-ils lorsque je les rencontre à Genève, au siège de la RTS. « Les gens passaient nous parler, on discutait beaucoup… » Au point qu’il était parfois difficile de travailler. Car ce que permet la durée, c’est la création d’un lien fort entre la population et les journalistes. « Les habitants s’attendaient à nous voir repartir, mais le lendemain, on était encore là, et encore le lendemain ».

Comme l’explique le journal Le Temps, dans un reportage consacré à l’opération :

« Avec une équipe de militants locaux, ils ont mis les outils classiques des campagnes politiques au service d’une cause non partisane: la démocratie. Porte-à-porte, appels téléphoniques, opération coup-de-poing sur la place publique. »

Une expérience au delà de la conception traditionnelle du métier

Est encore le rôle du journaliste ?, pourrait-on se demander. « Tous les partis politiques ont salué le projet, et personne n’a essayé de nous instrumentaliser. Des personnes âgées aux étudiants, tout le monde s’est retrouvé à bosser pour l’objectif. Seuls, on n’y serait pas arrivé. A la fin, les jeunes se levaient à 6 heures du matin pour aller tracter », racontent les journalistes. « Savoir si c’était notre rôle est une question que nous nous posons entre professionnels : ce n’était pas le souci du public », expliquent-ils.

Journalisme de solution, journalisme engagé, journalisme à 360° : l’expérience va au-delà de la conception « traditionnelle » du métier. Le journaliste devient acteur de l’événement qu’il contribue à provoquer en même temps qu’il en fait le récit. Les productions éditoriales montrent l’action en train de se faire, et les journalistes prendre leur part de l’engagement nécessaire à ce que les choses changent. De rencontre en interview, d’actions citoyennes en soirée fondue gratuite, ils cherchent autant à comprendre qu’à convaincre, à comprendre pour convaincre et à raconter.

« Tu finis par te faire aimer, explique Cécile Durring. On ne m’a jamais demandé pour qui je votais. On ne m’a jamais parlé politique. » Et Jérôme Galichet concède : « Il y a un moment où je me suis confondu avec le sujet. C’était du journalisme engagé, dans le sens où on a donné de notre temps et de notre personne ». « Une aventure humaine », disent-ils en chœur.


En chiffres, Objectif 50 c’était :

  • 1 émission spéciale de Mise au Point le 9 juin pour le (pré)lancement de l’opération
  • 4 reportages Mise au Point de 15 minutes
  • 7 récits web Mise au Point, récapitulatifs hebdomadaires de 5 minutes
  • 52 vidéos
  • 4h45 de live Facebook
  • 227 publications
  • 2 journalistes de la rédaction complètent dédiés de mi-mai à fin octobre 2019
  • 1 soirée fondue-débat

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