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Côté pile, Roxane Pour Sadjadi est journaliste freelance en radio depuis 10 ans. Côté face, elle est coach vocal depuis 4 ans. Avec sa double casquette, elle accompagne celles et ceux qui ont besoin de se servir de leur voix dans leur travail, ou bien dans un podcast. Elle anime des formations à Samsa.fr pour apprendre à écrire pour l’audio et parler dans un micro.

Pose de la voix en formation podcast

© Sarah-Lou Lepers

Comment as-tu découvert ta voix ?

Roxane Pour Sadjadi : Quand j’étais petite, mon père m’enregistrait sur des cassettes audio, j’adorais parler dans le micro et j’étais très pressée de réécouter ma voix. J’avais 5 ans et c’est comme ça que j’ai découvert ma voix. Je l’ai redécouverte quand j’ai été étudiante en école de journalisme, puis en faisant de la radio, mais aussi en faisant du chant. On m’a souvent dit que j’avais une voix intéressante, voire jolie, et une façon de parler qui donnait envie d’écouter.

Comment as-tu commencé à t’intéresser au travail de la voix?

Roxane Pour Sadjadi : A partir du moment où j’ai commencé à utiliser ma voix de façon professionnelle, on m’a reproché de finir mes phrases en l’air, de ne pas terminer par un point et une intonation qui baisse. Mon ton était très formaté à force d’écouter des radios d’info et j’ai mis beaucoup de temps à me débarrasser de ce défaut. Pour corriger ça, j’ai lu des livres et j’ai découvert qu’il y avait une matière autour de la voix, tout un univers qui m’a beaucoup plu.

C’est comme ça que tu es devenue coach vocal?

Roxane Pour Sadjadi : J’ai toujours été sensible aux voix des gens, mais c’est arrivé un peu par hasard, parce que je travaillais en radio. On m’a sollicitée pour former des agents de la SNCF : j’ai découvert qu’il y avait des personnes non-journalistes qui avaient besoin d’utiliser leur voix dans leur travail. Ca fait 4 ans maintenant que je fais des coachings individuels et groupés avec des salariés. J’aime accompagner les gens dans la durée et voir qu’il y a des choses qui se débloquent. Depuis six mois, j’ai commencé à accompagner des journalistes de presse écrite qui ont besoin d’apprendre à parler dans un micro pour les besoins d’un podcast.

Que révèle la voix d’une personne ?

Roxane Pour Sadjadi : Beaucoup de choses ! Ca traduit le stress, le désir qu’on a pour quelqu’un, l’hygiène de vie, la cigarette, l’alcool, l’âge. La voix est quelque chose de très personnel, qui dit quelque chose de l’histoire. Pour certaines femmes, j’entends tout de suite qu’elles ont des difficultés à assumer leur féminité. J’ai eu aussi un jeune homme qui balbutiait, car il avait longtemps communiqué avec son jumeau uniquement, avec une langue à eux. C’est important de savoir maîtriser sa voix, de façon à être entendu et ne pas montrer certaines émotions qui ne sont pas bienvenues dans une prise de parole publique par exemple.

Pourquoi les journalistes ont besoin d’apprendre à parler dans un micro ?

Roxane Pour Sadjadi : Ce n’est pas du tout naturel de parler dans un micro, c’est une sorte de barrière qui bloque les gens. Le truc, c’est de l’oublier – tout en faisant attention à la qualité de l’enregistrement – pour avoir un ton naturel. 90% des personnes n’aiment pas leur voix : on ne la reconnaît pas quand on l’entend, donc on ne supporte pas de s’écouter. Il faut pourtant bouffer du micro et s’écouter encore et encore jusqu’à s’accepter. Les journalistes qui ne travaillent pas en radio n’ont pas bossé leur voix depuis l’école. Celles et ceux qui ont choisi la presse écrite sous prétexte que la voix n’était pas leur fort ne sont plus à l’abri maintenant que les podcasts se multiplient en presse écrite !

En quoi la voix est particulièrement importante dans un podcast ?

Roxane Pour Sadjadi : La voix fait autant partie du récit que le propos, elle emmène l’auditeur dans un univers. C’est aussi une signature audio, qui peut être reconnaissable, comme celle de Fabrice Drouelle qui présente l’émission Affaires sensibles sur France Inter. Si on ne soigne pas la voix, c’est difficile pour l’auditeur d’écouter sur la longueur, surtout dans le cadre d’une écoute distraite. Moi ça m’arrive d’arrêter un podcast parce que la voix n’est pas agréable à écouter.

Sans tout dévoiler, quels conseils donnes-tu en formation?

Roxane Pour Sadjadi : On fait des exercices de mise en confiance au début, pour apprendre à accepter ses faiblesses. Les gens ont souvent peur et sont très durs avec eux mêmes, notamment les femmes. On travaille la diction, car c’est la clé : les gens qui parlent trop vite et qui avalent leur syllabes ne peuvent pas être compris. On apprend comment éviter la fatigue vocale, gagner en aisance, faire descendre la voix dans le ventre, pratiquer la respiration basse. C’est très pratico-pratique et on peut utiliser tout ça dans la vraie vie, en dehors du micro.

Tu donnes aussi des cours d’éloquence. En quoi ça consiste ?

Roxane Pour Sadjadi : J’ai rejoint l’association Eloquentia comme intervenante, pour aller dans les collèges et les lycées classés « éducation prioritaire » à Saint-Denis On fait de la prise de parole éducative pour développer l’esprit critique et la réthorique, à travers des jeux de rôle, des débats, du slam, de la poésie. Ca aide les jeunes à prendre confiance en eux et ça renforce leurs compétences orales qui ne sont pas assez mises en avant dans le système scolaire français. Ils ont besoin de trouver leur voix et leur voie.

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