La nostalgie s’insinue souvent où on ne l’attend pas. Ce matin, entre brossage des dents et laçage des chaussures, un nom a surgi à la radio: Philippe Garnier.
L’habituellement insupportable émission « J’ai mes sources » avait décidé d’inviter l’un de ceux qui m’ont donné envie de faire ce métier. Au début des années ’80, dans Rock & folk, quelques journalistes se préoccupaient d’écrire. Beaucoup se prénommaient Philippe. Garnier était l’un d’entre eux (au côté des Koechlin, Manoeuvre [pas celui de la nouvelle star, l’autre, le vrai], Paringaux, puis plus tard Barbot).
De Los Angeles, il écrivait sur les auteurs de roman noir (les premiers auteurs de la série noire), sur des losers magnifiques déguisés en scénaristes d’Hollywood, sur Bukowski et John Fante aussi.
Ses articles partaient à la rencontre de parfaits inconnus (de moi). Les textes étaient longs, écrits, prenaient leur temps.
Journaliste semblait être un boulot qui en valait la peine. C’était il y a longtemps.
Philippe Garnier est resté le même. Intact. Il récuse l’appelation de « gonzo journalism » pour qualifier son travail. Il ignore tout d’internet et ne veut pas en entendre parler. Et il écrit maintenant des bouquins. Celui sur David Goodis – La Vie en noir et blanc était formidable.
Le nouveau l’est aussi, j’en suis sûr. Garnier y parle de celui qui lui a donné envie de devenir journaliste: Grover Lewis, journaliste à Rolling Stone. Un journaliste aveugle qui a inventé le genre des récits de tournage de film. Ca s’appelle Freelance, Grover Lewis à Rolling Stones – Une Vie dans les marges du journalisme et vient de paraître aux éditions Grasset.
Garnier a lu un de ses papiers alors qu’il était disquaire au Havre. C’était en 1967. L’année de ma naissance.
Tout ça pour dire que tu es plus jeune que moi! La nostalgie Métal Hurlant, les papiers de Manchette, un Patrick celui-là… A propos, te souviens-tu de Manoeuvre dézinguant Blade Runner? Du grand art.
Certains disent "vieux-conner", je préfère dire "syndrôme du vétéran". Car forcément, c'était mieux avant. Mais l'était-ce vraiment ?
La nostalgie a ceci de particulier qu'elle embellit, nécessairement. Le travail du temps.
Mais de mon (jeune) âge je suis peut-être encore trop candide.
@ Eric
Je me souviens de Manoeuvre avec Led Zep, avec les Clash, avec les Stones, l'impression que j'avais de transporter les flight case en compagnie des roadies.
@ Enikao
Je n'ai pas dit que c'était mieux avant. J'ai dit qu'il était l'un de ceux qui m'avaient donné envie. Nuance.
Ah les papiers de Garnier dans Rock & folk ! Quel bonheur! Recevant Rock & Folk par la poste au fond de ma province, je sautais sur les brûlots de Manoeuvre, Dister, Koechlin et d'autres. Mais ceux d'Yves Adrien et Philippe Garnier, je les gardais pour un peu plus tard, pour la bonne bouche. Je m'installais là où j'étais sûr de ne pas être dérangé et .. je plongeais, lentement, intensément, voluptueusement dans les backstages d'Hollywood ou dans les chambres dévastées de ce motel d'Albuquerque… Libé reprendra le flambeau. Ce qui comptait c'était qu'il y en ait suffisamment: je vérifiais qu'il s'agissait bien d'un article-fleuve avant de l'entamer.
Ça n'a rien avoir avec de la nostalgie. c'est juste un genre de papiers qui n'existe plus. XXI essaye bien mais ça manque singulièrement de folie. Je trouve l'équivalent dans Books mais il s'agit d'idées et plus de perdants magnifiques…
@jean-marc
Exactement pareil. Mais là c'est sûr on glisse sur la pente savoneuse de la nostalgie.
Effectivement, je crois que c'est un genre qui a disparu. Et pour le coup, il me semble que c'est un genre qui ne peut exister que sur le papier.
On est aux antipodes du web, par la longueur, par le plongeon dans un univers, par le récit qui se tisse peu à peu.
il nous reste les livres…..
Où l'on apprend que Libé se sépare de Philippe Garnier.
http://www.bakchich.info/Cannes-clap-de-fin-pour-…
Etait-ce nécessaire de prouver à ce point que l'époque a changé? Non.