` `
Sélectionner une page

Je viens de découvrir le blog de Sophie Pène. Prof en sciences de l’information et de la communication à Paris 5, elle s’interroge sur ce que les blogs révèlent de la politique dans un article intitulé « bloguer la politique ». Le rôle et la place des médias figurent également au nombre de ses interrogations.

Sophie Pène analyse tout d’abord la nouvelle relation qui se tisse entre hommes politiques et citoyens au travers des blogs.

C’est par les émotions et les sensations de l’homme que passe désormais la raison d’agir du politique. Plus personne n’oserait affirmer, comme l’ont dit successivement Alain Juppé et Lionel Jospin : « Ma politique est bonne, les Français ne la comprennent pas ». L’élu, pour être cru, doit prouver que son action repose sur un ressenti authentique, fondant le désir de bien agir. […] les électeurs demandent que les élus restent dans un dialogue continu avec eux et agissent en interagissant. La confiance n’est plus une délégation. Elle repose sur la preuve négociée au jour le jour que le projet politique se remodèle en phase avec le point de vue des électeurs. Non seulement la communication politique inclut désormais un compte rendu méticuleux de la genèse des points de vue, mais l’électeur est le coauteur de la construction du projet politique.

Figure la plus avancée de cette quête participative, Ségolène Royal. Paradoxe apparent, la candidate socialiste ne tient pas de blog remarque Sophie Pène.

Effacement suprême déterminant sa représentativité, Ségolène Royal n’a pas de blog. Sa communication politique témoigne ainsi d’une forme de transparence du leader, mémoire et reflet des intentions exprimées, et sans point de vue susceptible de pervertir le projet collectif. Le refus de mettre en avant ses propres idées traduit une interprétation nouvelle de la représentation : le représentant n’a pas à avoir d’idées, puisqu’il est porteur de toutes les idées exprimées sur le réseau, avec lequel il est en communication permanente.

Au fond, c’est l’idée même de la politique qui est en train de changer. Le comportement du citoyen devient celui d’un consommateur qui veut faire valoir ses droits, estime Sophie Pène.

La représentation rénovée que les blogs proposent est beaucoup plus imprégnée par le modèle de la consommation que par celui du débat. L’électeur ne veut plus être dupé. Il veut que ses droits soient respectés. De même qu’une notice garantit l’utilisation d’un produit et la défense du consommateur, la fidélité à soi-même exigée du politique est censée protéger un citoyen électeur omnipotent.

Dans cette (r)évolution, les journalistes sont également embarqués avec les politiques. La question de la légitimité (et de ses fondements) posée aux politiques interroge également les journalistes. Citant le cas de plusieurs journalistes blogueurs, elle remarque:

Le blog de journaliste politique est le médium d’une crédibilisation à rebours du journalisme. Le journaliste y publie ce qui ne se dit pas ailleurs.

Pour paraphraser ce que Sophie Pène dit des politiques, on pourrait écrire les lecteurs demandent que les journalistes restent dans un dialogue continu avec eux et agissent en interagissant. La confiance n’est plus une délégation. Dans l’un des billets publiés sur son blog, elle poursuit la réflexion en s’interrogeant.

La profession de journaliste est-elle à même, actuellement, d’admettre cette attente de l’intelligence de l’autre ? Valoriser les savoirs et les impressions de terrain, les recueillir dans des « bases de savoir » est une démarche aujourd’hui imposée au mangement des grandes entreprises. C’est une clé des gains de compétitivité et d’innovation.

Le knowledge management (ou gestion des connaissances) développé dans les entreprises serait-il donc l’avenir du journalisme? Les contributeurs de wikipedia le définissent ainsi:

La gestion des connaissances – ou ingénierie des connaissances – est l’ensemble des méthodes et des techniques permettant de percevoir, d’identifier, d’analyser, d’organiser, de mémoriser, et de partager des connaissances entre les membres des organisations, en particulier les savoirs créés par l’entreprise elle-même (ex : marketing, recherche et développement) ou acquis de l’extérieur (ex : intelligence économique). Les acteurs de l’organisation ne doivent pas se limiter à la consommation d’informations brutes. Ils doivent veiller aux usages des informations, ce qui signifie interprétation, structuration, capitalisation, et partage des connaissances.

La piste de réflexion est intéressante à l’heure où nombre de projets tentent d’articuler journalisme professionnel et « journalisme citoyen ».

`
`