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[Podcast] Nabil Wakim (Chaleur humaine, Le Monde) : « Je n’attaque pas les questions climatiques de manière froide. »

Nabil Wakim et Julien Le Bot lors de l'enregistrement du premier épisode de “Les médias se mettent au Vert”

Pour le premier épisode de notre nouveau podcast “Les médias se mettent au Vert”, nous avons invité Nabil Wakim, journaliste et podcasteur au Monde. En mai 2022, il a lancé Chaleur humaine, un podcast et une newsletter sur les enjeux de la transition climatique.

Nabil Wakim est journaliste au Monde depuis 18 ans. S’il a exercé de nombreuses fonctions au sein du journal, ce dernier a beaucoup œuvré pour accélérer la transformation numérique de la rédaction avant de lancer le podcast “Chaleur humaine”. 

Ses quatre années à couvrir, ensuite, la question des énergies a en partie précipité sa transition vers les enjeux écologiques. 

Au micro de Julien Le Bot, il revient sur la genèse de ce podcast et sur son ambition. Comment mettre en récit la transition climatique de nos sociétés ? Comment transmettre aussi l’urgence qui s’impose à nous sans provoquer d’éco-anxiété, tout en évitant le greenwashing ? Comment, enfin, mettre en perspective avec justesse les réponses à apporter, qu’elles soient politiques, économiques, sociales, technologiques, et culturelles également ?  

Ce qui frappe, quand on écoute Chaleur humaine, c’est son côté très écrit : c’est à proprement parler un podcast (soigneusement enregistré et monté), et c’est une série de “grandes questions” :

  • On a pu y entendre Laurence Tubiana parler de diplomatie climatique et des coulisses des Accords de Paris, 
  • Lucas Chancel, aussi, pour évoquer la contribution des plus riches à la facture, en quelque sorte, de la transition à effectuer,  
  • Mais aussi des petits gestes, comme on dit, qui ne suffiront pas puisqu’on est face à un problème structurel, 
  • De planification, également, avec un duo d’invité Pascal Canfin/Aurélie Trouvé assez peu “audible”, 
  • Ou encore des mix énergétiques.  

Dans cet épisode, le journaliste Nabil Wakim explique comment il travaille aux côtés de sa productrice, Adèle Ponticelli, et des équipes du Monde. Il évoque la posture qu’il a adoptée, revient sur ses recettes de fabrication, avant de prendre un peu de recul sur les enjeux plus globaux de la transition écologique des médias, dans le sillage de la publication de la charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique

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Cet épisode a été enregistré en public, le 20 septembre 2022, chez Creatis (Paris 11), et il a été réalisé par Sylvain Pinot.

Citations de Nabil Wakim

Ce qui est en train de se passer du point de vue de l’effondrement de la biodiversité, du point de vue de l’urgence climatique, cela transforme le regard qu’on a sur le monde.

C’est une transformation de notre regard éditorial. Et la question qui se pose avec l’urgence climatique, je pense pour beaucoup de médias, c’est comment on l’intègre et à quel point ça devient une composante centrale dans notre identité éditoriale.

La manière dont est organisée la rédaction du Monde, c’est un peu comme un gouvernement, avec différents services. Et donc il y a une difficulté à envisager ces questions là de manière transversale.

Pour moi, le podcast, c’était une manière de prendre des sujets qui sont abordés par des journalistes travaillant dans des rubriques différentes, et de tirer cette intelligence collective pour l’utiliser dans un format qui peut s’adresser au plus grand nombre. 

Le nom du podcast, “Chaleur humaine”, est une façon de dire qu’on peut avoir une conversation chaleureuse avec des gens avec lesquels on est d’accord, ou pas d’accord. 

L’objectif n’est pas d’avoir une confrontation, c’est d’avoir une conversation constructive et qu’on sorte de l’écoute de ce podcast avec des arguments pour discuter.

Quand j’ai commencé, je n’avais pas d’expérience de podcast. Avec ma productrice Adèle Ponticelli, on a donc beaucoup travaillé sur l’écriture de ce format. 

J’ai travaillé sur les questions d’énergie pendant plusieurs années en étant très heureux d’apprendre énormément de choses, mais avec une forme de frustration.

Je n’ai pas les réponses à un certain nombre de questions que je me pose.

L’idée pour moi, c’est de construire une sorte de catalogue et de donner des éléments de réponse à un certain nombre de questions que les gens vont finir par se poser.

Je ne joue pas exactement un rôle dans mon podcast : les questions que je pose, je me les pose vraiment. 

Ce que j’essaie de faire, c’est d’accepter de sortir de mon carcan de journaliste du Monde. Quand on est journaliste au Monde, on écrit des articles, on ne raconte pas sa vie de famille quand on parle des tarifs de l’électricité ou du gaz. 

Je n’attaque pas les questions climatiques d’une manière simplement froide et calculatrice. Moi aussi, ça me touche, et je n’ai pas envie de faire comme si j’étais de marbre face à ce qui était en train de nous arriver collectivement.

Quand j’interviewais des gens pour un article, je leur demandais des infos. Quand j’ai une conversation avec des invités pour le podcast, je leur demande des exemples. 

On a reçu plus de 400 mails dans le courant de l’été : ils m’écrivent à moi, ils disent “Nabil, j’étais d’accord avec vous quand vous disiez ça”, ou alors ils m’interpellent. 

Peut-être que je me raconte des histoires, mais je pense que le podcast crée une forme de lien plus fort avec le début d’une petite communauté. 

Ce que je trouve intéressant, c’est aussi l’idée que ce podcast va avoir une vie  longue, et que les recommandations vont aller d’individu à individu, pas forcément via les plateformes. 

Les questions écologiques irriguent la rédaction du Monde depuis longtemps, déjà. Mais l’idée du podcast, c’est aussi de créer une forme de mobilisation collective.

Écrire une newsletter, ça heurte notre manière d’écrire, ce n’est pas si facile. C’est aussi un chemin progressif. 

Quand j’ai commencé à écrire la newsletter en disant “je”, les éditrices et les éditeurs du journal ne comprenaient pas qu’on dise “je” dans un texte qu’on allait envoyer à autant de lecteurs du Monde. 

Il y a une question importante, je pense pour tous les médias, c’est celle de la complémentarité des différentes audiences. 

Quand on est journaliste politique, on pense que la politique peut tout et qu’il suffit de décider pour que les choses se fassent. Et quand on couvre l’énergie, on se rend compte qu’il y a des limites physiques.

Philippe Martinez, de la CGT, et Patrick Pouyanné, de Total Énergies, sont très différents, mais ils ont le même type de problème : ils ont des structures qui doivent se transformer et ils ne savent pas comment faire.

A l’intérieur des rédactions, il y a une bataille culturelle à mener. 

La plupart des journalistes qui sont aujourd’hui en activité n’ont pas eu de formation à ces enjeux-là. Et en plus, souvent, on est plutôt des littéraires.

Comment accompagne-t-on des journalistes spécialisés sur diverses rubriques pour les aider à faire le lien avec la question climatique ? Qu’est ce que cela veut dire de couvrir l’éducation aujourd’hui, quand les épreuves du brevet ou du bac ne peuvent plus se tenir parce qu’il fait trop chaud ?

Il faut d’abord une réflexion éditoriale commune. Et puis ensuite, chacun et chacune des journalistes, dans leur service, doivent essayer de trouver comment intégrer l’enjeu écologique. 

Il faut que tous les journalistes connaissent les ordres de grandeur. Il faut donc aussi s’attaquer à la question des chefferies. Et puis, il faut réfléchir ensuite à du sur-mesure pour accompagner les journalistes face aux enjeux spécifiques qu’ils vont rencontrer.

Tout le monde a des contradictions, tout le monde a des interrogations, tout le monde n’est pas attaché aux mêmes choses en priorité. Et puis tout le monde n’a pas le même rapport au geste individuel.

La plupart des auditeurs n’écoutent pas le podcast jusqu’au bout, mais jusqu’à 75, 80 % de temps d’écoute. Et donc ça, c’est très satisfaisant pour nous puisque, encore une fois, l’objectif n’est pas d’avoir la masse, c’est d’avoir des gens qui sont amenés à réfléchir et à avoir des arguments pour débattre.

La newsletter, pour l’instant, a 15 000 abonnés avec un assez bon taux d’ouverture.

Moi, je partage le constat qui est fait qu’aujourd’hui la couverture dans l’immense majorité des médias n’est pas satisfaisante.

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