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Dans les coulisses de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique

La Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique est née d’un travail réunissant une vingtaine de journalistes issus de diverses rédactions. Pour parvenir à ses 13 points, les rédacteurs ont beaucoup échangé, mais se sont aussi inspirés du travail de leurs confrères allemands. Retour sur cette histoire.

 

Notre formateur Steven Jambot lors d’un tournage de vidéo présentant la charte

Le travail d’élaboration de la “Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique” a pris plusieurs mois. Si la phase purement rédactionnelle est terminée depuis quelques semaines, il y a eu encore eu beaucoup de travail entre l’ajout de la dernière virgule et son dévoilement le 14 septembre : il a fallu en concevoir une version imprimable, mettre sur pied le site web, et organiser l’événement de lancement.

Au cours de ces quelques jours de sprint final, j’ai été frappé par les couleurs et les odeurs, autour de chez moi. Tout semble sec. Cramé. Jaune. Les orages n’ont rien arrangé. Les arbres ont déjà perdu une bonne partie de leurs feuilles. C’est l’automne depuis un moment, avant même la fin de l’été.

On le sent (et on le sait), il faut changer. De cadre. De boussole, aussi. Il faut transformer nos imaginaires, revoir nos habitudes et penser autrement. Le réchauffement climatique est là, avec sa cascade de conséquences en chaîne que l’on repère le plus souvent lors des événements météorologiques les plus sévères.

Dans ce contexte, les journalistes, dont le métier est précisément d’informer, ont bien évidemment une responsabilité particulière. Comme l’explique très bien le Giec: “les médias jouent un rôle clé dans la construction d’un débat public éclairé pour que l’on puisse collectivement prendre les décisions qui s’imposent et apprendre à se projeter autrement dans l’avenir.”

6 mois de travail, d’échanges et de coordination

Ces derniers mois, j’ai travaillé avec un collectif informel de confrères, de consœurs et ami·e·s journalistes (venus de Vert, le média qui annonce la couleur, de Reporterre, le quotidien de l’écologie, mais aussi de Climax, de Franceinfo, de RFI, sans oublier de Socialter, de Blast le souffle de l’info et bien d’autres encore) afin de rédiger cette « Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique ». 

En 13 points, ce document que vous pourrez lire ici (à partir du 14 septembre 2022) propose d’accompagner l’évolution des pratiques des journalistes pour améliorer le traitement d’ensemble des sujets liés au climat, au vivant et à la justice sociale. 

Pour en arriver à ce texte, croyez-moi, que de palabres entre les rédacteurs, d’heures de visio aussi, et de discussions en ligne sur Telegram pour trouver des mots justes, précis mais ouverts, capables d’orienter les confrères et consœurs dans leurs questionnements, plutôt que de dénoncer les loupés ou les insuffisances. 

Pourquoi une charte en 13 points ?

Cette charte n’est pas un cas isolé en Europe : nous avons par exemple longuement échangé sur la portée du texte que nos confrères allemands, membres du réseau de journalisme climatique, ont publié début 2022. Pour tout vous dire, la charte que nous avons rédigée rejoint, dans les grandes lignes, celle des journalistes d’outre-Rhin. Nous avons en revanche voulu insister sur l’accessibilité de ce document. 

En organisant ce texte en 13 points, nous avons voulu énoncer le plus clairement possible l’ensemble des enjeux pour notre profession avec, en tête, un scénario d’usage : que cette charte puisse être imprimée en format A3, et collée ensuite à côté des machines à café, dans les rédactions, ou encore dans les écoles de journalisme.    

Un éloge de la coopération

Je peux le dire ici  : si tout a commencé sur un Google doc en avril 2022, ce fut ensuite une aventure humaine forte, et je suis très heureux d’avoir été embarqué dans cette histoire aux côtés de professionnel·le·s aux parcours aussi divers qu’Anne-Sophie Novel ou Sophie Roland, Loup Espargilière ou Juliette Quef, Hervé Kempf ou Steven Jambot, Paloma Moritz ou Thomas Baïetto, et bien d’autres que j’ai appris à connaître et avec lequel, ce fut un plaisir d’échanger. 

Chacun est venu avec son expérience, ses convictions, et son envie de peser sur l’avenir de la profession, parce que l’enjeu est de taille pour nous tous : face au défi de notre génération, les journalistes et les professionnel·le·s des médias ont un rôle crucial à jouer pour que le débat public soit à la hauteur, précisément, de l’urgence écologique. Cela valait bien quelques heures de négociations. Et la bonne nouvelle : c’est que nos confrères et consœurs, qui ne cessent de nous écrire ou qui nous demandent s’il est possible de signer, répondent déjà présents !

Et chez Samsa.fr, que fait-on ? 

Notre savoir-faire, c’est la formation professionnelle et nous sommes convaincus que les formations dans le domaine du dérèglement climatique sont d’une nature particulière. Elles ne se limitent pas à une acquisition de connaissances et compétences supplémentaires (certes essentielles), mais viennent aussi questionner le comportement des individus à la fois sur le plan personnel, professionnel et en tant que citoyen·ne·s.

Cette dimension profondément transformatrice concerne aussi les audiences. Chaque article, reportage, enquête, émission est potentiellement porteur du même type de bouleversement pour le public, notamment les plus jeunes.

L’éco-anxiété est un phénomène bien établi et la tendance à éviter les infos anxiogènes (“news avoidance”) commence à être documentée. La responsabilité des journalistes est donc de parvenir à se faire entendre. L’innovation éditoriale doit permettre de relever ce défi. 

C’est le sens des formations “climat” que nous avons développées. Elles combinent : 

  • appropriation des connaissances scientifiques ; 
  • réflexions sur ce que provoquent les informations “climat” ;
  • analyse et création de nouveaux formats éditoriaux à même de rendre compte efficacement des réalités et des enjeux. 

C’est le sens aussi des différents projets que nous menons depuis des mois… à commencer par notre nouveau podcast, “Les médias se mettent au vert” (vous pouvez vous abonner pour recevoir les infos), une conversation mensuelle, enregistrée en public à partir du 20 septembre 2022, et qui mettra en perspective le parcours de professionnels de l’information, d’entrepreneurs des médias ou de personnalités qui ont décidé de proposer un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique (climat, biodiversité, énergie, alimentation, etc).

Petit lexique du dérèglement climatique
  • Accord de Paris (sur le climat) : l’accord de Paris, souvent appelé Accord de Paris sur le climat, est un traité international sur le réchauffement climatique adopté lors de la COP21 en 2015. Il concerne l'atténuation et l'adaptation au changement climatique ainsi que leur financement. Son objectif est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 degrés, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel.
  • Bilan carbone : outil de mesure de l'empreinte carbone pour comprendre et analyser l'activité des particuliers, des entreprises, des collectivités et des administrations en termes d'émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre.
  • Biodiversité : la biodiversité désigne la diversité des organismes vivants (écosystèmes, espèces, populations…). La pollution des fleuves, des rivières et des sols causée par les activités humaines peut impacter la biodiversité et faire disparaître des espèces animales et végétales.
  • Changement climatique : variations des caractéristiques climatiques - réchauffement ou refroidissement - en un endroit donné au cours du temps. La définition actuelle du changement climatique implique que certaines formes de pollution de l’air, résultant principalement de l’activité humaine, menacent de modifier sensiblement le climat, contribuant à un réchauffement global.
  • Différence entre météo et climat : la météo se définit par quelques valeurs instantanées et locales de température, de précipitations, de pression, d'ensoleillement, etc. Des valeurs qui sont fournies par des stations météorologiques. La science du climat, quant à elle, rend compte des conditions moyennes de l'atmosphère, sur une longue échelle de temps et sur une vaste zone géographique. 
  • Dioxyde de carbone (CO₂) :  principal gaz à effet de serre anthropique (émis par l’Homme) qui affecte l'équilibre radiatif de la Terre. Les émissions de CO2 viennent des énergies fossiles (à 90%) et de la déforestation (à 10%).
  • Éco-anxiété : inquiétude face aux catastrophes écologiques. 
  • Éco-geste : un geste simple du quotidien permettant de réduire notre empreinte écologique tout en faisant des économies d'énergie.
  • Energies fossiles : les énergies fossiles sont le charbon, le pétrole et le gaz. Elles sont utilisées principalement dans les bâtiments, le transport et l'industrie. Elles émettent du CO2 lors de leur combustion.
  • Empreinte carbone : total des émissions de gaz à effet de serre liés à notre mode de vie. Son intérêt est double : comprendre d'où viennent nos activités les plus néfastes pour le climat et agir à notre échelle afin de réduire nos émissions sur certains postes de consommation (alimentation, transports, logement).
  • Gaz à effet de serre (GES) : certains gaz retiennent une part de l’énergie solaire renvoyée vers l’espace par la Terre sous forme de rayonnement infrarouge. Ces gaz dits à effet de serre sont présents naturellement dans l’atmosphère, comme le gaz carbonique (CO2), le méthane (CH4) ou la vapeur d’eau (H2O) mais en trop grande quantité, ils provoquent le réchauffement climatique..
  • GIEC : depuis plus de 30 ans, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) évalue l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes, ses impacts. Il identifie également les possibilités de limiter l’ampleur du réchauffement et de s’adapter aux changements attendus. Les rapports du GIEC fournissent un état des lieux régulier des connaissances les plus avancées. Cette production scientifique est au cœur des négociations internationales sur le climat.
  • Greenwashing : méthode marketing consistant à communiquer auprès du public en utilisant l’argument écologique de manière trompeuse pour améliorer son image. Les informations transmises sont une présentation déformée des faits et de la réalité. Cela peut aussi bien passer par le fond que par la forme.
  • Réchauffement climatique : la hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) modifie la composition de l'air, provoquant une augmentation de l’effet de serre. La chaleur est piégée à la surface de la Terre, dont les puits de carbone naturels ne peuvent pas absorber autant de GES, et ce déséquilibre entraîne un réchauffement planétaire.
  • Zéro carbone ou neutralité carbone : objectif pour un État ou une entreprise d'atteindre l'équilibre entre les émissions de carbone et l'absorption de carbone de l'atmosphère par les puits de carbone.
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