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Le grand rendez-vous mondial de la vidéo mobile se tient cette semaine en Irlande. La 3e édition de l’événement Mojocon marque l’entrée dans l’ère de la banalisation du tournage et du montage avec smartphone chez les professionnels des médias, de la communication, du cinéma ou de la formation. L’occasion de faire le point sur le développement très rapide du secteur de la vidéo mobile (expérimentations, apps, accessoires). Etat des lieux à la veille de l’ouverture de Mojocon 2017.

L’édition 2016 de Mojocon s’est tenue à Dublin. Celle de 2017 aura lieu à Galway, toujours en Irlande.

Produire de la vidéo avec un smartphone, ce n’est plus réservé aux films de vacances, aux soirées d’anniversaire ou aux images verticales et saccadées de manifestations et/ou de bavures policières. Au moment où j’écris ces lignes, des centaines de professionnels du monde entier font route vers la ville de Galway dans l’ouest de l’Irlande pour la 3e conférence MoJoCon dédiée à la vidéo mobile, autrement dit à la vidéo produite avec des téléphones mobiles.

MoJoCon, c’est la conférence des MoJo (Mobile Journalists) créée par Glen Mulcahy et portée par sa chaîne de télévision, la télé publique irlandaise RTE. L’événement affiche complet et va donner le pouls des mutations en cours dans le domaine de la vidéo.

Des formations à la vidéo avec smartphone de plus en plus demandées

Le 2 février à Paris, les Rencontres francophones de la vidéo mobile, que nous organisons chez Samsa.fr, avaient permis de mesurer l’intérêt des professionnels. Ils étaient près de 300 venus de 10 pays différents avec des questions sur tout ce qui touche à la technique, à la démarche éditoriale, aux expérimentations en cours. Nous n’avons même pas pu accueillir tous ceux qui souhaitaient assister à l’événement faute de place. Un compte rendu est disponible ici en attendant l’édition de 2018

Près de 300 personnes pour les Rencontres francophones de la vidéo mobile à Paris le 2 février 2017 (Photo: Anthony Micallef)

Chez Samsa.fr, nous sommes bien placés pour mesurer l’évolution de la demande en matière de vidéo mobile. Nos formations rencontrent un succès croissant depuis les toutes premières au début 2014 (il y a une éternité) et nous avons composé une équipe d’une douzaine de formateurs experts qui accompagnent aujourd’hui la prise en main du smartphone comme caméra et outil de montage, aussi bien auprès de pros de la télévision, que d’amateurs éclairés en matière de vidéo ou de débutants dans le domaine.

La vidéo mobile sort de l’ère des pionniers bricoleurs

Il faut dire que nous sommes à peine en train de sortir de l’ère des pionniers bricoleurs et un peu geeks, ceux qui ont accepté de regarder et de tester sans dédain ces caméras produites par des fabricants qui n’étaient pas du métier et qui étaient avant tout pensées pour les profanes. Les pionniers ont défriché, les fabricants ont amélioré la qualité de leurs caméras et sont montés en gamme tandis que les producteurs d’applications se sont mis au travail avec les professionnels de la vidéo en ligne de mire.

Les micros Sennheiser (comme Shure) développent désormais des produits conçus pour smartphone.

C’est la fin de l’époque des faucheurs de marguerites (comme on surnommait les premiers aviateurs tellement leurs appareils avaient du mal à prendre les airs), on entre dans celle des expérimentateurs. Et c’est tout l’intérêt des conférences internationales de permettre de partager les retours d’expérience autour des productions expérimentales.

Au moment où les jeunes se détournent de plus en plus de la télé

La révolution induite par le tournage (et le montage) avec smartphone ne se limite pas à un changement d’outil. C’est bel et bien une nouvelle manière de concevoir et produire de l’image qui est en jeu (j’y reviendrai un peu plus loin) au moment où les jeunes se détournent de plus en plus de la télé et « consomment » des volumes croissants de vidéos sur leur mobile, comme Meta-media, le site de prospective de France Télévisions le note régulièrement.

La chaîne locale BFM Paris a équipé ses reporters d’un kit iPhone.

Insensiblement, les acteurs de la télévision ont fait entrer le smartphone dans la panoplie de leurs outils de travail. Chez BFMTV, ce sont les correspondants à l’étranger qui se sont emparés de cette petite caméra, avant que le groupe ne décide de développer la chaîne locale BFM Paris où tous les reporters sont équipés d’un kit mobile. Les Français se sont inspirés des Suisses de Léman bleu, la chaîne locale de Genève, convertie à la vidéo avec mobile par Laurent Keller qui s’en expliquait sur Samsa.fr.

Le live Facebook au centre de toutes les attentions

Dans le monde francophone, France Info aussi fait un usage de l’iPhone notamment dans le module L’Instant detox de Julien Pain qui combine tournage avec smartphone et live Facebook. Tout comme Brut., qui propose un format live au long cours sur Facebook avec Rémy Buisine qui s’était fait un nom en couvrant en 2016 les longues soirées du mouvement #NuitDebout sur la place de la République. Brut. propose des lives au gré de l’actualité comme lorsqu’un attentat se produit sur les Champs Elysées.

Au Canada, c’est la chaîne publique anglophone CBC qui développe les live Facebook avec iPhone dans lesquels elle diffuse également des reportages pré-enregistrés et tournés eux aussi avec smartphone. France 3 lorgne également dans cette direction en réalisant un expérimental live multicaméra produit uniquement avec des smartphones lors du dernier salon de l’agriculture en utilisant l’appli française Dazzl.

La vidéo à 360 sera-t-elle à la hauteur des attentes ?

S’il est une tendance qui provoque autant de débats que de sentences définitives, c’est bien la vidéo à 360°. Nouvelle frontière de la vidéo ou gadget sans avenir ? Le débat n’est pas encore tranché. On retiendra quand même que Facebook la place au centre de sa stratégie dans les prochains mois et qu’au passage, une start-up française (Giroptic) a tapé dans l’oeil de Mark Zuckerberg.

Reste à trouver les moyens d’exploiter la vidéo à 360° pour proposer des récits (journalistiques ou de fiction). Les expérimentations sont nombreuses mais peinent à emporter la conviction. Pour cette raison, on suivra avec une attention particulière les projets développés dans ce domaine par Euronews. On signalera aussi cette vidéo tournée (c’est ce qu’il prétend) par Bill Gates lui-même pour illustrer le problème du manque de latrines en Inde, l’un des chevaux de bataille de la fondation du créateur de Microsoft.

La vidéo à 360° devrait être au centre de nombreux débats et démonstrations à l’occasion de la conférence Mojocon qui permettra d’actualiser l’état des lieux des pratiques professionnelles en la matière.

L’Afrique commence à s’emparer du potentiel de la vidéo mobile

Même en Afrique, les possibilités du smartphone comme outil de production de vidéos sont évidentes. La webTV AgribusinessTV en a fait la preuve lors de ce reportage au Ghana (seule les images du drone ne sont pas filmées avec smartphone).

Sur le continent africain, l’absence d’une offre de contenus locaux en matière de vidéo combinée avec l’appétit de plus en plus grand pour les contenus vidéo crée de formidables opportunités au moment où Facebook et l’accroissement de la bande passante disponible rendent le visionnage des vidéos de plus en plus confortable.

De véritables outils professionnels de tournage et de montage

On passera rapidement sur les capacités techniques des smartphones qui —dans les versions haut de gamme— permettent depuis plusieurs années de filmer des images en 4K, soit avec une définition quatre fois supérieure à ce que peut proposer la Full HD de nos téléviseurs (pour ceux qui en possèdent encore un).

On s’arrêtera sur les meilleures applications de tournage et de montage qui ont connu ces derniers mois des évolutions importantes qui les transforment en véritables outils professionnels:

Filmic pro: l’application de référence pour le tournage avec smartphone vient de subir un récent lifting dans sa version pour iPhone et et elle est aussi disponible sur Android depuis quelques mois. Vous en saurez plus en écoutant « Vidéo mobile, le podcast » que nous enregistrons tous les 15 jours avec Guillaume Kuster et Laurent Clause et dont le 11e épisode est consacré à Filmic pro.

Mavis: également tournée vers les professionnels les plus exigeants, l’application Mavis (iPhone uniquement) offre tous les réglages dont les cameramen professionnels peuvent rêver.

Mais la principale évolution des derniers mois est sans doute venue des applications de montage. Sur iPhone, c’est iMovie qui proposait les possibilités les plus importantes, mais l’appli a peu évolué depuis de très longs mois. Elle est en passe de se faire détrôner par un nouveau venu, Luma Fusion, et par un acteur du monde Android qui débarque sur iOS, Kinemaster.

Luma Fusion: cette application de montage apparue fin 2016 sur l’appStore est en train de révolutionner le montage sur mobile. Les possibilités qu’elle offre n’ont rien à envier (ou presque) aux outils de montage pro disponibles sur ordinateur.

Si elle est en train d’enterrer iMovie, cette application doit désormais faire face à Kinemaster qui était l’application de montage de référence dans le monde Android depuis belle lurette et qui vient de débarquer dans l’univers iPhone.

 

Kinemaster: très facile à prendre en main, l’application Kinemaster n’en offre pas moins des possibilités très importantes en matière de montage. Elle était la référence dans le monde Android et fait son apparition sur iOS.

 

 

Des accessoires (stabilisateurs et micro) de plus en plus performants

La transformation du smartphone en caméra semi-pro ou professionnelle a ouvert un vaste marché aux producteurs d’accessoires qui viennent compenser les limitations initiales des appareils. Si des producteurs sans grande expérience de la vidéo professionnelle sont arrivés les premiers (chinois notamment), quelques références du secteur (comme Sennheiser ou Shure pour les micros, par exemple) sont en train d’arriver en force. Et beaucoup d’attente cette année autour des solutions sans fil qui font figure de nouveau défi pour libérer encore plus le tournage avec smartphone de la lourdeur des contraintes (câbles, etc).

En matière de stabilisation, les fabricants de drones comme le chinois DJI ont adapté leur savoir-faire aux besoins des vidéastes avec smartphone en créant des stabilisateurs qui permettent de proposer des images en mouvement qui affichent la fluidité de celles tournées avec steadycam.

La recherche de nouveaux formats éditoriaux

C’est sans doute dans la recherche de nouvelles formes d’écriture visuelle que réside la véritable nouveauté du tournage avec smartphone. La caméra est petite, moins impressionnante, plus discrète et elle sait se faire oublier. Elle est maniable et permet de trouver des angles originaux.

Depuis plus de 10 ans, le Mobile film festival de Bruno Smadja a démontré que les vidéos produites avec smartphones pouvaient raconter de formidables histoires en une minute. Comme dans le court-métrage « T’es un bonhomme » de Sylvain Certain qui a reçu le prix du scénario lors de la dernière édition du festival.

Le tournage avec smartphone permet également un forme d’empathie plus forte avec les personne que l’on filme. La RTE a d’ailleurs développé une série autour de sujets et de personnages qui ne font pas l’actualité mais dont les réseaux sociaux s’emparent. Une sorte de feel-good reportage comme il existe des feel-good movies.

Pour les journalistes, c’est aussi leur posture de retrait et d’objectivité désincarnée que vient questionner le tournage avec mobile. D’autres choix sont possibles comme l’expérimente Nadjette Maouche sur France 3.

D’autres, comme Dougal Shaw de la BBC sont en train de développer une forme d’écriture visuelle pensée par et pour le smartphone.

La production de documentaire est également possible. On le sait depuis Songs of defiance tournée clandestinement par un reporter d’al-Jazeera en Syrie en 2012. Mais il y a quelques mois, la RTE irlandaise a produit le premier documentaire de 52 minutes tourné en 4K avec un iPhone 6S.

Produire de la vidéo avec smartphone n’est pas réservé aux pros de la vidéo

La vidéo est en passe devenir le langage par défaut du web et des réseaux sociaux. Et, de la même manière que l’écriture n’est pas réservée aux écrivains, la production vidéo n’est pas réservée aux vidéastes. Journalistes de presse écrite ou de radio, communicants, enseignants, formateurs, militants associatifs ou autres ont aujourd’hui besoin de produire de la vidéo pour toucher leurs audiences.

Cette massification est véritablement le phénomène nouveau que nous constatons tous les jours. Et les nouveaux venus ont des besoins et des attentes nouvelles. Il réclament de la simplicité dans les outils et les méthodes. Et une nouvelle gamme d’applications est en train d’apparaître qui permettent de réduire la barrière à l’entrée dans le domaine de la production vidéo avec smartphone.

C’est le cas de solutions comme celle du français Easymovie ou encore de Clips que vient de lancer Apple. Et de bien d’autres encore qu’il serait fastidieux de citer toutes. Leur développement témoigne du développement d’un marché de plus en plus diversifié (voir le schéma ci-dessous inspiré par Robb Montgomery).

Mettre la vidéo à la portée de tous

Bien entendu, la conférence Mojocon sera avant tout consacrée à la pointe de la pyramide avec les experts et les formateurs du monde entier qui viennent échanger sur leurs trucs et astuces. L’enjeu est toutefois celui d’une véritable démocratisation de la production vidéo. Non pas pour concurrencer les professionnels du domaine, mais pour diversifier les voix, les propos, les sujets proposés en vidéo sur le web et les réseaux sociaux. Rendez-vous dans quelques jours pour dresser le bilan de ce rendez-vous irlandais, à suivre du 4 au 6 mai sur le compte Twitter de MojoCon.

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